VTT électrique : comment améliorer le cadre législatif actuel ?
C’est une question qui brûle les lèvres en ce moment : la législation actuelle est-elle adaptée au VTTAE ? Doit-elle évoluer dans un sens ou dans l’autre ?
Si la question s’est depuis longtemps posée, elle est aujourd’hui sur le devant de la scène parce que, comme expliqué dans mon précédent article sur le DJI Avinox, le surcroît de couple, puissance et assistance octroyés par celui-ci portent ses capacités bien au-delà de ce qui était au fil des années devenu la norme sur le segment.
Je vous propose donc ici une réflexion sur la pertinence des métriques utilisées tant au sein de l’Union Européenne qu’autre part dans le monde pour encadrer la notion de vélo à assistance électrique, ainsi qu’une petite étude permettant de comprendre les enjeux d’une évolution de ces cadres législatifs rapidement ébauchés alors que la technologie en était encore à ses balbutiements.
Quels enjeux ?
On reviendra régulièrement dans cet article sur la nécessité (ou pas) d’encadrer les vélos électriques, mais il faut avant tout comprendre la portée de cet effort législatif.
Un aspect de celui-ci est l’enregistrement du véhicule et la détention d’un permis pour l’utiliser dans l’espace public. Ces contraintes vont globalement de pair avec la puissance d’un véhicule, elles sont par exemple différentes entre un scooter (ou whatever les djeunz de nos jours les appellent), une moto de petite cylindrée, grosse cylindrée, etc. Mais ce n’est pas l’enjeu principal dans le contexte du VTTAE.
Si tout le monde peut acheter un kit moteur débridé développant 3kW pour rouler dans son jardin, l’aspect législatif qui nous concerne le plus porte sur l’utilisation de la voirie et des chemins publics au même titre qu’un vélo ou VTT classique. L’enjeu est important, puisque cette catégorie de véhicules permet l’accès à la vaste majorité des sentiers que nous affectionnons et qui sont interdits aux véhicules à moteur traditionnels.
Vous l’aurez donc compris, un VTT à assistance électrique étant par définition motorisé, le débat fait rage autour de cet accès aux sentiers, notamment sur la base des dégâts potentiellement causés par un engin dont les performances peuvent se rapprocher d’autres véhicules jusqu’à maintenant interdits.
Couple, puissance, niveau d’assistance
Pour comprendre ce qui définit la capacité d’un moteur à nous propulser vers de nouvelles aventures, il faut revenir au triptyque couple, puissance et assistance.
Le couple est la métrique qui revient le plus souvent dans les discussions. A raison, car on peut considérer que c’est celle qui a le plus de sens, correspondant à la force que peut appliquer le moteur pour aider le rider à faire tourner les manivelles et propulser le vélo. Il est toutefois à mettre en perspective avec la puissance, qui correspond au couple multiplié par la vitesse de rotation.
« Il n’est pas dénué de sens de prendre le couple comme métrique de référence. »
La relation entre couple et puissance est perpétuellement incomprise par nombre d’avides automobilistes, mais en vélo, il n’est pas dénué de sens de prendre le couple comme métrique de référence, un moteur de VTTAE étant limité par la fréquence de pédalage de son utilisateur, généralement comprise entre 60 et 100 tr/min, plaçant tous les modèles peu ou prou sur un terrain d’égalité quant au rapport couple/puissance. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui qu’il y a 5 à 10 ans, puisque tous les moteurs offrent sur leur plage d’utilisation un couple comparable, alors que certains modèles plus vieux pouvaient s’essouffler à haute cadence.
Toutefois, la puissance exprimée en watts reste l’unité de référence que nous allons reprendre en long et en large dans cet article. Elle offre également l’avantage de directement comparer la puissance développée par le moteur à celle développée par le bonhomme.
Enfin, le niveau d’assistance correspond au rapport entre la puissance produite par le pratiquant, et celle développée par le moteur. Si le rider développe 100W et le moteur 200W, il y a un ratio de 2:1 ou 200% d’assistance. En additionnant les deux, on obtient la puissance totale, qui, attention à ceux qui ne suivent pas au fond de la classe, n’évolue pas uniquement avec le niveau d’assistance, puisqu’elle inclue la puissance en entrée fournie par le rider. Par exemple, pour 100W en entrée et 100% d’assistance, on obtient au total 200W en sortie. En doublant l’assistance et en la portant à 200%, on obtient 300W en sortie, soit une augmentation de 50%.
Que disent les différentes législations à l’heure actuelle ?
Maintenant que nous avons posé les bases, il est temps de s’intéresser à ce que dit la loi à travers le monde.
Il existe de conséquentes disparités entre les pays quant à la définition légale d’un vélo à assistance électrique, les choix faits pour encadrer ces véhicules reposant sur des leviers et seuils différents que l’on réside en Europe, en Amérique du Nord, ou autre part dans le monde. Pire encore, si l’Union Européenne a majoritairement harmonisé cette définition pour les pays qui font partie de l’union, on constate aux Etats-Unis par exemple, et comme c’est souvent le cas, des différences flagrantes entre les 51 états.
L’Union Européenne a donc opté pour la création de deux catégories : le Pedelec ou EPAC (Electrically Power Assisted Cycles) et le S-Pedelec. La première correspond au « vrai » vélo à assistance électrique, tandis que la seconde correspond davantage au cyclomoteur électrique, rendant par exemple un permis obligatoire en France.
L’EPAC est limité à 25km/h, vitesse à laquelle l’assistance doit se couper, doit exclusivement fournir une assistance et ne pas comporter d’accélérateur (le walk-assist étant toléré jusqu’à 6km/h), et la puissance continue du moteur sur 30 minutes ne doit pas dépasser 250W, concept toujours aussi flou quatre ans après la publication de mon article dédié à cette limite, que je vous encourage à aller lire avant de revenir ici.
« La limite de 750W, qui correspond à 1ch, est très souvent reprise. »
Aux Etats-Unis, un système comportant trois catégories a été adopté par 36 états. Pour ces trois classes, la puissance crête du moteur ne doit pas excéder 750W. Les classes 1 et 2 sont limitées à 20mph (32km/h), différant uniquement par la présence en classe 2 d’un accélérateur, tandis que la classe 3 limite la vitesse à 28mph (45km/h). La législation diffère énormément entre les états quant à la nécessité d’enregistrer ou d’obtenir un permis pour ces différents types de véhicules, l’obligation de porter un casque ou l’âge minimum requis, mais la limite de 750W, qui correspond à 1ch, est très souvent reprise. Étonnamment, et comme mis en lumière par la classe 2, la présence d’un accélérateur est un critère parmi d’autres plutôt qu’un vrai couperet permettant de différencier ce qui constitue, en pratique, deux types de véhicules différents.
Au Canada, haut-lieu du vélo de montagne, la législation fédérale limite la puissance à 500W et la vitesse maximale assistée à 32km/h. Cependant, il incombe aux provinces d’encadrer davantage ces dispositions, et en Colombie Britannique par exemple, la présence d’un accélérateur est possible.
En Nouvelle-Zélande, la puissance max est limitée à 300W, ce qui, plus encore qu’au Canada, soulève des questions quant à la vente et à l’utilisation de peu ou prou tous les VTTAE classiques.
Dans d’autres pays, les directives de l’UE sont régulièrement reprises comme base, c’est notamment le cas dans certaines provinces australiennes comme le Queensland ou en Israël.
Bref, ce que l’on peut retenir de ce tour d’horizon, c’est qu’outre la présence d’un accélérateur dont nous ne débattrons même pas, hors UE, la puissance crête est souvent le facteur discriminant, associée à une vitesse maximale assistée qui va de 25 à 32km/h. Le grand absent est ici le niveau d’assistance, qui n’est repris par aucun pays dans son cadre législatif.
Plus de liberté ou davantage de restrictions : une communauté divisée
Dernier préambule avant d’esquisser les contours d’une vraie réflexion sur le placement des limites, il est important de comprendre pourquoi les restrictions actuelles sont définies comme telles, pourquoi certains voudraient les tirer vers le haut, et d’autres ne pas les voir bouger, voir les déplacer dans le sens inverse.
La réponse à la première question est facile : les parlementaires se sont réunis autour de la table pour une partie de beer pong, et l’arc-en-ciel législatif mondial est apparu derrière les nuages. Plus sérieusement, on peut s’hasarder à quelques supputations. 250W de puissance continue correspondent environ à ce qu’un cycliste en forme peut produire. 750W correspondent à un cheval vapeur. 25km/h est la vitesse atteinte par un vélo hollandais piloté par un vacancier sur le bord d’un fleuve, tandis que 32km/h est la vitesse de croisière d’un cycliste qui roule à bon train sur vélo de route. Si le tableau semble très incomplet, c’est parce qu’il l’est.
« L’apport d’un moteur d’une puissance donnée est très différent entre un rider de 60kg et un autre de 100kg. »
Pourquoi certaines marques et pratiquants veulent relever ces limites légales ? Une partie de l’industrie, principalement les nouveaux arrivants comme DJI, souhaitent davantage de compétition sur le plan technique, pour une démarcation plus importante entre les marques et modèles. Un partie des pratiquants estime que des moteurs plus puissants permettraient de tackler des montées techniques plus difficiles, aux gradients plus importants encore, pour atteindre des sentiers encore hors de portée. La question d’une certaine égalité entre différents gabarits est aussi jetée sur la table. L’apport d’un moteur d’une puissance donnée est très différent entre un rider de 60kg et un autre de 100kg, car comme nous allons le voir plus loin, la puissance crête des moteurs actuels ne permet pas de fournir l’assistance maximale annoncée lors de certains pics d’effort.
Pourquoi certains s’y opposent ? La grande peur de l’autre partie de l’industrie et des pratiquants est l’apparition de nouvelles restrictions quant à l’accès aux sentiers. C’est peut-être moins un sujet en France, mais dans certains pays comme aux Etats-Unis, il existe une vraie controverse quant à l’ouverture des sentiers VTT aux VTTAE, tout comme il a pendant longtemps existé une controverse quant à l’utilisation par les VTT des sentiers pédestres. Entre régulations locales et terrains privés, de nombreux sentiers historiques se sont vus au fil du temps condamnés, et la question du VTT à assistance électrique offre une occasion de plus à ceux qui y sont favorables d’en fermer davantage. Ainsi, des VTTAE plus puissants vont à contre-courant d’une démocratisation et d’un accès plus large aux entiers, mettant en péril la pratique des deux disciplines sœurs.
Monsieur Glisse Alpine, dessine-moi les contours d’une loi
Le moment est donc venu de réfléchir à un cadre législatif qui aurait un vrai sens, plutôt que quelques cases cochées les yeux bandés un soir de cuite. Et ce sans oublier qu’encadrer le VTTAE, c’est encadrer tous les VAE, qu’ils soient utilisés en montagne avec des gros crampons, en ville pour vélotaffer, en vélo-cargo ou que sais-je encore. Comme souvent, il s’agit ici plus pour moi d’une réflexion ouverte qu’un vrai parti-pris, où j’essaye de considérer de manière objective ce qui a du sens, ou pas.
Vitesse de coupure
Commençons par la limite de vitesse. Doit-elle exister ? Oui ! A 25km/h ? Probablement pas. Une limite de vitesse à laquelle l’assistance se coupe est indispensable, sous peine, si l’on conserve des moteurs suffisamment puissants pour monter dré dans le pentu, de nous faire atteindre des vitesses indécentes sur le plat. Toutefois, nous sommes limité par le développement de la transmission dans notre vitesse max. La loi devant prévoir tous les cas d’usage, même s’il ne nous viendrait pas à l’esprit de coller un plateau de 52 dents ou plus sur notre monture, rien n’empêcherait un petit malin de le faire pour bâtir un vélotaff ultra-rapide… tout comme les vélos de route assistés, qui avec 52 dents à l’avant peuvent théoriquement dépasser les 70km/h à haute cadence.
« La porter à 30km/h semble raisonnable, c’est une vitesse qu’il est tout à fait possible d’atteindre sans moteur. »
Le problème avec la limite de 25km/h est qu’elle constitue un véritable mur sur le plat. On peut arguer qu’elle est également dérangeante lors d’une descente ou un replat qui nécessite de relancer. La porter à 30km/h semble raisonnable, c’est une vitesse qu’il est tout à fait possible d’atteindre sans moteur, et c’est en-deçà de la vitesse autorisée en Amérique du Nord. Si l’on autorise un vélo classique à rouler aux limites imposées par le code de la route sur la voirie, il n’y a pas de raison à ce qu’un vélo électrique soit davantage limité. Certes, rien n’empêche sur un VTTAE de continuer à pédaler plus fort quand le moteur se désengage. Mais la réalité aujourd’hui est que la plupart des moteurs souffrent encore de pertes énormes une fois le moteur éteint, transformant le pédalage en perte d’énergie inutile nous poussant à cruiser à faible allure.
Y a t-il un argument solide contre le relèvement de cette vitesse de coupure ? Le seul que je puisse voir est celui d’une vitesse en montée qui puisse surprendre les autres usagers de la route, puisque même les détenteurs de maillot à pois sponsorisé par une marque de saucisson ne montent pas l’Alpe d’Huez à 30km/h. Toutefois, cet argument est rapidement balayé par le nombre de véhicules électriques en tous genres qui se déplacent également à grande vitesse et offrent tout un tas de surprise à qui s’aventure dans la jungle urbaine. De plus, on peut arguer qu’un vélo plus rapide dans une montée sur route constitue une gêne et un facteur de risque moins important qu’un vélo plus lent par rapport aux autres véhicules. On peut également mettre en avant le fait que le Danemark autorise l’emploi de S-Pedelecs limités à 45km/h sur piste cyclable. Et, ça tombe bien, 30km/h correspond à la limite de vitesse actuelle dans bien des zones urbaines.
Bref, pour mon premier acte de lobbying, je proposerais une limite de coupure remontée à 30km/h.
Puissance
Quelle puissance maximum pour les moteurs ? Nous voilà dans le vif du sujet. Faut-il limiter la puissance crête des moteurs, en considérant que nous avons déjà limité la vitesse de coupure ? Gardons également en tête qu’actuellement, l’Union Européenne ne limite pas cette puissance crête, mais uniquement la puissance continue. J’ai envie de proposer que non, sous réserve de l’introduction d’une limite sur le niveau d’assistance, que nous verrons par la suite.
Pourquoi limiter la puissance crête ? Un argument en faveur de ce bridage peut être celui de la préservation des sentiers : plus de puissance, c’est plus de couple à la roue, plus de dérapages impromptus faute de grip, donc plus de dommages. Est-ce un argument solide ? Non. Les sentiers ont tout loisir de se voir labourés dans le sens de la descente, et comme dirait un ami, un orage qui passe, ravine, provoque des glissements de terrain, fait bien plus de dommages que dix ans de passage de VTT. J’arguerais également d’une part que les moteurs actuels permettent déjà de bien souvent labourer un single à la montée si l’envie nous en prend, et d’autre part que mon joker sur le niveau d’assistance vient contrer l’idée qu’on pourrait se faire d’une puissance sans limite.
« Plus de puissance c’est également une accélération plus rapide, non ? »
Plus de puissance c’est également une accélération plus rapide, non ? Oui et non, souvenons-nous que nous sommes sur un vélo, pas une hypercar en boite auto qui fait claquer les rapports. Bien que les marques travaillent sur des chaines qui permettent de changer de vitesse sous tension, un vélo reste limité dans son accélération, bien qu’on puisse imaginer avec une puissance folle un setup mêlant gros braquets et pignons très espacés dans leur nombre de dents. De toutes manières ce point est à nouveau contré par mon joker, le sempiternel niveau d’assistance.
Faut-il conserver une limite sur la puissance continue ? Difficile de trouver des arguments purement en faveur de cette notion, surtout qu’elle est très obscure dans le contexte de la législation européenne (je sais, je me répète). Pourtant, en y réfléchissant, on peut imaginer (visez un peu les efforts créatifs que je déploie pour légitimer le travail de nos députés européens) que les législateurs ont voulu via cette notion coller au type d’effort normalement développé par un cycliste, en évitant les écueils de la puissance max. Si l’on développe sur une courte durée 600W avec un effort soutenu de 200W, il semble en effet logique qu’en limitant un moteur à 250W il soit en capacité de produire brièvement 750W. Notons que ces 600W sont une estimation très basse, un rider moyen pouvant certainement fournir des pics (on parle ici de vrai pic d’une à deux secondes) autour du kilowatt, tandis que les pros montent à près de 2kW.
Il faut pour un pratiquant de 95kg équipé sur un vélo de 24kg fournir environ 165W pour avancer à 30km/h sur le plat. Si l’on cherche à limiter cette vitesse via la puissance continue comme actuellement définie par l’UE, c’est raté, et de loin, sans compter sur le seuil de coupure déjà abordé. L’idée serait donc de limiter la vitesse de montée ? Bref, limiter la puissance continue n’a pas vraiment de sens quand on considère le but visé.
Ainsi, il ne me semble pas nécessaire de limiter la puissance crête, ni la puissance continue.
Assistance
Pour autant, avec à notre portée des leviers comme la puissance max, la vitesse max et, vous l’aurez deviné, le niveau d’assistance, on peut contourner les limitations de chacun d’entre eux ainsi que celles de la puissance continue.
Limiter le niveau d’assistance permet de s’affranchir de bien des problèmes et griefs envers la législation actuelle. Si elle ne peut être la seule utilisée, c’est celle qui a certainement le plus de sens pour des vélos à… assistance électrique. Logique imparable ou invitation au sophisme ?
« Une assistance de 4:1 est-elle une limite adéquate ? »
Une telle limite met tout le monde sur un pied d’égalité quant au niveau d’assistance fourni par le moteur plutôt qu’imposer un seuil arbitraire qui discrimine les plus lourds et avantage par défaut les plus légers. Elle permet aux fabricants de se démarquer en proposant des modèles plus puissants que les 750W acceptés actuellement tout en gardant le rapport poids/puissance de l’engin et son pilote sous contrôle. Même ceux qui blâment la facilité conférée par le VTTAE peuvent se consoler dans le fait qu’aller chercher plus de puissance nécessite alors d’en fournir davantage. Enfin, si l’on considère que ce niveau d’assistance maximum doit tourner autour de 400%, on part sur la même base que la situation actuelle, où il est généralement le maximum que l’on peut trouver chez les principaux fabricants de moteurs, la différence étant que l’on autorise les gros gabarits et ceux très en forme de réellement obtenir ces 400% d’assistance grâce à des moteurs capables de fournir la puissance nécessaire.
Mais une assistance de 4:1 est-elle une limite adéquate ? Faut-il mettre la barre plus haut, comme le fait l’Avinox avec son assistance de 800% ? Ou plus basse pour, allegedly, préserver les sentiers ? C’est à mon sens la question la plus délicate, d’autant plus nous nous faisons probablement une idée erronée sur la base de notre propre expérience. En effet, les moteurs Bosch, Brose, Shimano ou Yahama de ces dernières années produisent au maximum 650 à 750W, avec une assistance maximale de 350 à 400%. En mode Boost, on trouve que ça pousse fort, rien à dire, on passe partout ou presque… et pourtant, en considérant les données apportées plus tôt, 95% des pratiquants peuvent sur une minute générer plus de 300W, entraînant une hypothétique assistance en suivant un facteur de 4:1 de 1.2kW, totalement hors de portée de ces moteurs.
« Une assistance de 400% est absolument suffisante pour franchir absolument n’importe quel sentier franchissable sur deux roues. »
Si l’Avinox de DJI est loué pour sa puissance, ce n’est donc pas parce qu’il offre jusqu’à 800% d’assistance, mais bel et bien parce qu’il développe plus de couple et de puissance que ses concurrents, ce qui lui permet d’offrir, ou presque, le niveau d’assistance inscrit sur l’étiquette dans les situations où l’on pousse fort sur les pédales. Dans ce contexte, et si l’on se base encore une fois sur ce qui est souvent affirmé à propos du moteur de DJI vanté comme déverrouillant l’accès aux derniers sentiers qui étaient encore imprenables en VTTAE, une assistance de 400% est absolument suffisante pour franchir absolument n’importe quel sentier franchissable sur deux roues. Même quand on considère un effort continu, il faut pour monter une côte comme celle de l’Alpe d’Huez à environ 8%, pour un rider de 95kg équipé et un vélo de 24kg, développer à 30km/h environ 950W, probablement un peu plus avec de gros pneus cramponnés et des pertes supplémentaires côté transmission. Si l’on reprend 200W de puissance développée par le rider, auxquels on ajoute 800W développés par le moteur, on se retrouve dans l’enveloppe d’1kW produits avec 400% d’assistance.
Bref, augmenter le niveau d’assistance au-delà de 400% ne semble pas utile ou souhaitable. Faudrait-il alors l’abaisser ? A priori non, puisqu’elle colle assez bien à ce que nous attendons d’un VTTAE comme la possibilité d’avaler rapidement du D+ quand le temps manque, celle de franchir des sections techniques très pentues à la limite du grip, tout en laissant aux concepteurs et fabricants de moteurs une belle marge d’évolution en termes de puissance, tant sur un court pic qu’en continu. Si l’argument en faveur de son abaissement est de limiter l’impact sur les sentiers via une réduction de la puissance max, j’arguerais que la limite du grip est la limite du grip, qu’elle soit dépassée de 10 ou de 100%, et qu’on peut tout autant laisser des traces à la montée sur un VTT classique. Contrairement à une moto où l’on peut laisser la roue arrière creuser sa tranchée pendant une minute, les dégâts causés par un VTT sont limités à une demi-rotation du pédalier.
« Un pic d’effort à 1000W permettrait avec 400% d’assistance de solliciter 4kW. »
Je vois toutefois des mains se lever, pour pointer du doigt le fait qu’un pic d’effort à 1000W permettrait avec 400% d’assistance de solliciter 4kW de la part du moteur, entraînant une course à l’armement et la production de moteurs surpuissants sans commune mesure avec ce que nous utilisons actuellement. Sur ce plan, je pense que le marché s’auto-régulerait naturellement, comme il le fait déjà. Je rappelle à nouveau que la législation européenne actuelle n’impose aucune limite sur la puissance crête ou le niveau d’assistance. Et pourtant, les moteurs produisent tous peu ou prou la même puissance crête déjà mentionnée.
On peut alors contrer en mentionnant la limite de 750W souvent reprise en Amérique du Nord, qui limiterait déjà les aspirations des marques à augmenter la puissance crête dans un contexte législatif très dispersé. Peut-être, mais je ne pense pas que la disparition de cette limite ouvrirait les portes à des moteurs de plusieurs kilowatts sur le marché « général ». Le format actuel est solide, et la tendance est à une meilleure intégration et un poids en baisse. Si des améliorations incrémentales sont certainement possibles et souhaitables (avec parfois de gros incréments comme sur l’Avinox), passer de moteurs développant moins d’un kilowatt à des béhémoths de plusieurs kilowatts signifierait un changement complet d’approche qui a peu de chances d’emporter les suffrages. A quoi bon jeter par la fenêtre les avantages conférés par un moteur léger et peu encombrant uniquement pour déployer la puissance maximale possible pendant quelques secondes toutes les trois ou quatre sorties ?
Bref, bien que l’on puisse la revoir légèrement dans ses détails, une limitation du niveau d’assistance à 4:1 me semble être la clé de voûte indispensable à ce cadre législatif.
Glisse Alpine au parlement européen ?
Nous arrivons avec cette ébauche à une proposition assez simple reposant sur trois piliers : un fonctionnement du moteur uniquement en mode assistance (tout en conservant évidemment la tolérance pour le walk-assist), une limite de 30km/h avant coupure de l’assistance, et une assistance maximale de 400%.
Ainsi, le potentiel de performance des vélos électriques est raisonnablement relevé là où il semblait injustement bridé, sans que, sur le papier, on s’éloigne dans l’esprit de la régulation actuelle au sein de l’UE. On pourrait même arguer qu’on resserre la vis, en limitant l’assistance maximale, là où aucune limite n’était présente en termes de puissance maximale.
Si la vitesse max est légèrement relevée, elle reste en-deçà ce que l’on peut trouver en Amérique du Nord, s’avère raccord avec ce qu’il est physiquement possible d’atteindre sans assistance, et colle avec les limitations en zone urbaine. Le gain est cependant important en termes de confort d’utilisation, puisque cette vitesse permet de rouler avec le minimum d’assistance sur le plat sans devoir constamment se battre contre un moteur désactivé ou faire tourner les jambes dans le vide. Accessoirement, il peut permettre de repenser le système d’embrayage présent sur certains moteurs qui n’a jamais vraiment convaincu.
Le mot de la fin
En parlant de convaincre, ces propositions sont-elles convaincantes, ou bien même nécessaires ? Plus que jamais, je vous invite à me donner votre avis dans les commentaires.
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