Valves : Presta, Schrader et alternatives
Les valves Presta sont hégémoniques sur le segment des VTT haut de gamme au sens large, supplantant ultra-majoritairement le standard Schrader. Pourtant, cette domination repose sur des bases douteuses, le format étant criblé de défauts pour des avantages très marginaux, qui dans le contexte matériel actuel peinent à convaincre.
Je vous propose dans cet article de comprendre pourquoi la valve Presta s’est imposée face à la Schrader, pourquoi cette dernière a néanmoins des avantages à faire valoir, et surtout les solutions proposées par certaines marques pour enfin faire évoluer ce composant, en phase avec les problématiques du VTT moderne.
Genèse et démocratisation de la valve Presta
Conçue pour le vélo de route à une époque où le VTT n’existait pas encore, la valve Presta devait répondre à une problématique principale : réduire le diamètre de perçage de la jante, lesquelles étaient alors, dans un contexte vélo de route, très étroites.
Ainsi, par rapport à une valve Schrader de 8mm, la Presta avec sa tige de 6mm permet un perçage au diamètre réduit de 25%. Accessoirement, la valve Presta s’avère plus légère de quelques grammes, offrant sur le papier un avantage supplémentaire.
Devenue la norme en vélo de route, elle s’imposa également en VTT, conservant l’avantage d’un diamètre de perçage réduit fragilisant moins la jante. Il faut rappeler qu’au début des années 2010, la norme, même pour les pratiques engagées, était encore à des jantes très étroites, typiquement autour de 19 à 21mm de largeur interne aux crochets. Ce n’est que quelques années plus tard que les jantes larges s’imposèrent pour généralement s’établir entre 25 et 35mm.
« [La valve Schrader] est depuis longtemps utilisées dans des applications à très haute pression. »
On entend souvent dire qu’une autre raison pour la création du standard Presta était de pouvoir contenir les pressions importantes utilisées en vélo de route, ce qui semble un peu douteux. Si l’on peut s’interroger sur les capacités d’une valve Schrader datant de la fin du 20e siècle eu égard aux méthodes de fabrication de l’époque, elles sont pourtant aujourd’hui et depuis longtemps utilisées dans des applications à très haute pression, bien au-delà de 10 bar. Dans le monde de l’aviation avec des pressions de 15 à 20 bar côté pneumatiques. Dans nos suspensions, un amortisseur air pouvant généralement accepter une pression autour des 20 bar, et donc bien plus une fois compressé. La plupart des valves sont données pour 55 bar, tandis que certaines acceptent jusqu’à près de 300 bar. Toutes les valves Schrader ne se valent pas, le facteur discriminant principal étant ici l’obus, qui selon ses spécifications permet de travailler à des pressions plus ou moins importantes.
Étonnamment, le segment des vélos bas de gamme est quant à lui resté sur le standard Schrader. Pourquoi ? Joker.
Malgré pas mal de triturage de neurones et de recherches, je n’ai pu trouver de réponse certaine à cette question, mais deux pistes semblent être en mesure de l’expliquer. Tout d’abord, l’ubiquité du format. Les valves Schrader étant utilisées sur les véhicules de toutes sortes, motorisés ou pas, de la voiture familiale à la brouette, sur la majorité des gonfleurs, il semble logique que pour des vélos s’adressant au plus grand nombre, le standard le plus courant soit retenu. Le second, peut-être contre-intuitif, peut être celui du prix. Contre-intuitif, car dans l’absolu, une valve Schrader est plus complexe qu’une valve Presta. Elle nécessite dans tous les cas un obus démontable, ce qui n’est pas le cas côté Presta. Et on peut arguer que cet obus est plus complexe, avec un joint supplémentaire et un ressort.
Si l’on peut se faire l’image d’une valve Schrader bas de gamme, entourée de caoutchouc, face à une brillante valve Presta anodisée, la réalité est qu’on trouve absolument des valves Presta bas de gamme, sans filetage externe, tout comme des valves Schrader étincelant de tous feux. En revanche, il y a fort à parier que l’ubiquité de ce type de valve entraîne un coût de production extrêmement faible au vu des quantités livrées, là où la valve Presta est cantonnée au segment des vélos plus haut de gamme.
Bref, toujours est-il que le standard Presta est par la force des choses devenu associé à ce segment des vélos relativement haut de gamme, ce qui doit pour partie expliquer l’adhérence à ce standard.
Presta vs Schrader : un standard aux multiples problèmes
Aujourd’hui, la suprématie de la valve Presta est de plus en plus remise en question. Libérés de la nécessité d’un perçage de jante au diamètre réduit par les modèles larges utilisés aujourd’hui, dans un contexte où le tubeless est devenu la base, nous sommes nombreux à être plus que jamais agacés par ses défauts.
Commençons par le plus odieux : la tige de l’obus qui, pour des raisons auxquelles la logique cosmique échappe, finit systématiquement tordue. La question n’est pas de savoir si, mais quand, elle va se tordre.
A partir de là, la boite de Pandore est ouverte. Pneu qui fuit lentement, pompe qui ne se clipse plus correctement ou n’ouvre pas la valve, valve qui fuit odieusement avant de revisser l’écrou, ce qui n’est parfois plus possible… et je fait l’impasse sur les têtes de pompe vissables qui dévissent l’obus lors de leur retrait, projetant de manière explosive une gerbe de liquide blanc visqueux en direction de l’utilisateur.
Tous ces problèmes sont décuplés par la pernicieuse tendance du préventif à constamment s’accumuler dans l’obus, notamment au niveau du joint, et l’obstruer.
« Les obus de mes valves Presta sont perpétuellement englués dans le préventif,. »
Si l’obstruction de l’obus par le préventif n’épargne pas la valve Schrader, on s’évite par l’utilisation de celle-ci tous les autres problèmes sus-mentionnés. D’ailleurs, de manière tout à fait anecdotique faute d’étude comparative sérieuse, je mentionnerai que mes roues de DH DT Swiss actuelles montées d’origine en Schrader, et soumises à un repos forcé les trois quarts de l’année, ont pendant plus de 8 ans fonctionné de manière parfaite jusqu’à ce que j’ai cet été eu besoin de changer l’un des obus bloqué par le préventif, et ce après deux saisons blanches passées au frais dans le garage. A l’inverse, les obus de mes valves Presta sont perpétuellement englués dans le préventif, et s’il est possible de les nettoyer à chaque remontage de pneu ou rajout de préventif, ils ne semblent jamais opérer de manière vraiment libre.
Puisque nous parlons préventif, c’est l’occasion évidente d’aborder le montage tubeless. Par son diamètre réduit, la valve Presta est ici largement inférieure à sa concurrente Schrader, qui permet lors du montage de faire bien plus rapidement entrer l’air dans le pneu pour le faire claquer. Ce n’est à vrai dire pas rédhibitoire, faire claquer un pneu en Presta n’a rien d’insurmontable, mais ce détail s’ajoute aux points sur lesquels le standard Presta est inférieur malgré son positionnement.
Enfin, la question de la compatibilité, déjà abordée plus haut, favorise la valve Schrader. La vaste majorité des dispositifs de gonflage supportent ce dernier format, alors qu’il faut se munir d’un adaptateur pour le Presta. On peut par ailleurs facilement trouver des manomètres à main de très bonne qualité au format Schrader pour des sommes très raisonnables, tandis que ceux pour valve Presta, destinés au petit marché du VTT, sont bien plus dispendieux.
Alternatives : Reserve Fillmore, Muc-Off Big Bore, Schwalbe Click Valve
Il existe un troisième standard, assez anecdotique, la valve Dunlop. On pourrait également en faire le tour, mais on va s’arrêter tout de suite, car elle présente un défaut majeur. Comme il n’existe pas de dispositif mécanique pour la maintenir ouverte, il est virtuellement impossible de mesurer de manière fiable la pression d’un pneu en étant équipé… Ceci expliquant son absence totale sur le marché du VTT, bien qu’elle soit supposément ultra-courante sur d’autres segments comme les vélos hollandais.
Quelques marques se sont attelées à la tâche d’améliorer la valve Presta dans un sens ou dans l’autre, mais souvent sans s’attaquer au standard en lui-même.
On peut par exemple citer Milkit, qui propose une valve modifiée avec un flap anti-retour dans la tige et une paille attachée sous l’obus, permettant d’insérer et gérer le niveau du préventif en gardant le pneu sous pression. L’initiative n’est pas inintéressante, car elle permet de connaitre le niveau de préventif restant et d’en rajouter sans démonter le pneu. Elle ne règle toutefois aucun des problèmes sus-mentionnés.
Depuis quelques années, un nombre important d’alternatives ont vu le jour, et si on ne peut dresser une liste exhaustive, quelques unes méritent un petit détour. Mention honorable par exemple à l’Exo-Core de Stan’s.
Reserve Fillmore
Santa Cruz / Reserve a lancé en 2021 ses valves Fillmore : même format que le Presta, même compatibilité, mais un obus qui disparaît, au profit d’une tige similaire mais renforcée, qui descend au bout de la valve, où un simple piston muni d’un joint torique assurant l’étanchéité permet une fois enfoncé de laisser passer l’air dans un sens ou dans l’autre. Le bout de la tige possède un pas de vis qui se verrouille dans le capuchon. La promesse est alors d’éliminer par son retrait tous les problèmes posés par l’obus : bouchage fréquent par le préventif, nécessité de le dévisser pour faire claquer le pneu au montage ou ajouter du préventif. Le système est au final si simple qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant, l’exécution est bonne, et les utilisateurs dithyrambiques sur les qualités du système. Pourtant, le succès commercial est discutable, probablement à cause d’un prix public élevé, une paire coûtant environ 50€.
- Voir les prix : Reserve Fillmore
Muc-Off Big Bore
Depuis l’année dernière, Muc-Off commercialise sa valve Big Bore. Il s’agit d’une approche complètement différente des valves classiques : l’obus disparaît, et la valve rotative se ferme manuellement via un levier. Le système se débarrasse ainsi de tous les inconvénients propres à l’obus, en offrant un flux d’air maximum. On peut également, comme pour la Milkit, « sonder » le niveau de préventif d’un pneu. C’est d’un côté une simplification, plus d’obus, plus de problèmes, mais d’un autre une complexification du système avec l’introduction de cette valve externe qu’il faut en plus actionner manuellement. Le produit étant très récent, la fiabilité de cette vanne rotative est également un point d’interrogation. Il est trop tôt pour avoir un vrai ressenti en termes d’adoption, mais comme les Fillmore, les Big Bore affichent un prix assez élevé pour une paire de valves, autour de 40€.
- Voir les prix : Muc-Off Big Bore
Schwalbe Click Valve
L’innovation du moment vient vraisemblablement d’outre-Rhin, avec le lancement par Schwalbe il y a un an environ de la Click Valve. Encore une fois, c’est ce maudit obus qui est visé, et la Click Valve est en réalité un obus de remplacement, installable sans outil, qui veut résoudre plusieurs des défauts de l’obus Presta classique. Le grand changement se situe au niveau de l’embout : plus de tige qui dépasse et se tord au moindre faux mouvement, et un système de clipsage de la pompe, nécessitant un embout ou adaptateur spécifique, très facile à utiliser. Le flux d’air est également meilleur, mais le bas de l’obus est similaire à son ancêtre, ce qui contrairement aux solutions de Reserve ou Muc-Off n’aide pas sur la plan de l’obstruction par du préventif.
L’accueil de la Click Valve a également été très bon, et les riders en étant équipés ne sont pas prêts de faire machine arrière. La raison de ce succès ese trouve presque à l’opposé de celle des Fillmore : si la solution Schwalbe ne résoud pas tous les problèmes de la valve Presta, elle offre une alternative qui évite bien des prises de tête, une interface valve/pompe ultra facile à utiliser (un simple click intuitif plutôt qu’un enfoncement approximatif et serrage via levier), le tout pour pas beaucoup plus cher qu’un obus de remplacement classique, soit moins de 6€ la paire, auxquels il faut ajouter une dizaine d’euros pour la tête de pompe ou adaptateur spécifique. Enfin, Schwalbe offre également des kits de conversion pour valves Dunlop et Schrader.
- Voir les prix : Schwalbe Click Valve
Conclusion : de nouveaux standards en perspective ?
Faute d’alternative ayant suscité une adoption suffisante, on reste pour le moment bloqué sur la pire des solutions avec cette valve Presta qui cumule les défauts.
Les initiatives récentes sont prometteuses, se destinent-elles à devenir un nouveau standard à la très large adoption ? La Fillmore est suffisamment simple pour qu’on puisse l’imaginer, mais c’est une invention brevetée au coût élevé qui n’est à priori pas vouée à un tel destin. La Big Bore, également sous brevet et sans mécanisme de fermeture automatique, semble également avoir peu de chances de devenir une solution à grande envergure.
« L’existence d’un brevet n’est en elle-même pas un frein à une adoption massive… »
L’existence d’un brevet n’est en elle-même pas un frein à une adoption massive : August et George Schrader, tout comme Etienne Sclaverand, ont breveté leurs inventions, les premiers brevetant même le capuchon de la valve Schrader. Des marques telles que SRAM octroyent même des licenses sans contrepartie aux manufacturiers utilisant leurs solutions quand cela sert leurs intérêts. Mais on imagine mal un produit premium commercialisé 25€ l’unité, répondant à des problématiques très spécifiques, voir son prix divisé par 10 pour toucher le marché grand public et OEM. Bien que, d’un point de vue technique, la complexité des solutions proposées (ou son absence) semble compatible avec une large production à faible coût.
Les choses sont quelques peu différentes côté Schwalbe avec sa Click Valve. D’une part, la marque affiche son souhait de la voir devenir un nouveau, sinon LE nouveau standard. D’autre part, si le prix public d’une paire d’obus Click Valve est un peu plus élevé que celui d’un obus classique, la différence est très relative. Certes, il est possible en les achetant en grandes quantités de trouver des obus Presta pour bien moins d’un euro l’unité. Mais le prix d’une paire d’obus tourne généralement entre deux et trois euros, un prix assez proche de celui des Click Valve.
Surtout, contrairement à Muc-Off ou Reserve, centrés sur l’aftermarket, Schwalbe est fermement ancré sur le segment OEM et fabrique déjà chambres à air et valves pour ce marché. Si ce simple fait ne lui permet bien sûr pas d’imposer un standard, cette capacité confère à la marque des outils supplémentaires pour l’encourager et saisir l’opportunité si une fenêtre de tir se présente.
« Il est en revanche difficile de nier le confort d’utilisation apporté par les Click Valve. »
Enfin, sa solution, si elle n’est pas parfaite, ni révolutionnaire, constitue une valeur ajoutée palpable dans la seconde pour tous les utilisateurs, même ceux roulant à chambre à air qui n’ont que faire des problèmes d’obus bouchés par un liquide blanc douteux dont ils ne connaissent même pas l’existence. Certains argueront en défaveur des solutions de Reserve ou Muc-Off en mettant en avant qu’un sac d’une vingtaine d’obus acheté moins de dix euros permet pendant des années de résoudre le moindre problème en effectuant un changement sur une valve Presta basique, mais si cela est vrai, il est en revanche difficile de nier le confort d’utilisation apporté par les Click Valve à chaque ajustement de pression.
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