Snowboard – La longueur de carre effective expliquée en détails

On pourrait penser que le shape d’un snowboard est assez immuable : une planche avec deux spatules, ce n’est pas bien compliqué. Modulo le rayon de courbe, les proportions semblent peu ou prou les mêmes d’un modèle à l’autre et l’on reporte bien volontier sur un nouveau modèle le choix de sa taille à la longueur totale de l’engin.

Et pourtant, tout n’est pas si simple. Je vous propose aujourd’hui de nous intéresser à l’impact de la longueur de carre effective dans le comportement d’une planche et comment deux modèles affichant une longueur totale identique peuvent s’avérer radicalement différents sur ce point.

 

Longueur de carre effective : qu’est-ce que c’est ?


Cette cote, que l’on retrouve sur les specs US comme “effective edge length” ou “running length”, est mesurée entre les deux points de contact de chaque carre sur la neige. Ces points de contact se situent grosso modo (on verra dans la prochaine partie de cet article que l’épaisseur du trait est conséquente) là où la planche est la plus large au niveau des spatules.

La longueur de carre effective est donc, comme son nom l’indique, la longueur de carre en contact avec la neige à chaque virage, en opposition au reste de la carre (physique) qui parcourt le périmètre de la planche mais ne se retrouve pas au contact de la piste.

Longueur de carre effectiveSi le rayon de courbure est une bonne indication de la propension d’une planche à tourner serré et rapidemment déclencher un virage, la longueur de carre effective pourrait être caractérisée comme un indicateur de son encombrement et sa stabilité. Avec plus de carre en contact avec la neige on accroit cette dernière, on augmente l’accroche au carving notamment, mais on se retrouve aussi avec, de manère générale, une maniabilité amputée.

De fait, on retrouve les mêmes attributs positifs et négatifs que quand on choisit une planche plus grande, mais c’est précisément parce que la carre effective est plus longue que c’est le cas.

 

Effective edge vs running length, camber vs rocker : le casse-tête commence ici


Disclaimer : si vous êtes à la recherche d’une illustration assez simple de la longueur de carre effective, vous pouvez sauter cette partie et passer directement à la suivante. Si vous êtes du genre à reconnaitre que rien n’est simple dans la vie et que nous vivons dans un monde plein d’incertitude, bienvenue au club, vous pouvez poursuivre.

“Il est difficile de savoir ce qui est effectivement mesuré…”

Un point de discussion existe entre “effective edge”et “running length”. Théoriquement, la première longueur est mesurée en suivant le sidecut, le long de la carre, tandis que la seconde est une ligne droite d’un point de contact à l’autre. J’irai même jusqu’à en rajouter une couche, souvent oubliée, pour votre bon plaisir : en prenant en compte le taper qui existe sur la plupart des planches de freeride, cette longueur est différente de celle rapportée à l’axe de la planche, le sidecut n’étant plus parfaitement dans l’axe. Troisième considération, la mesure du “running length” peut être faite cambre compressé, ou planche au repos. A nouveau, la mesure diffère, quoi que faiblement.

Dans les faits, les spécifications des fabricants échangent assez librement un terme pour l’autre. Il est difficile de savoir ce qui est effectivement mesuré, et donc de comparer plusieurs modèles de marques différentes.

Maintenant que l’on a fait le deuil de la mesure parfaite, il est temps d’introduire un second grand concept rabat-joie qui va hanter vos nuits : le rocker. Ce que je viens d’énoncer dans le paragraphe précédent s’applique de manière assez juste aux planches à camber ou cambre classique. Leur profil est fait pour avoir un maximum de pression au niveau des points de contact qui collent assez bien avec l’endroit où la planche est la plus large, c’est à dire le début et la fin du sidecut. Ce n’est qu’après chacun de ces points que les spatules se relèvent. De légères variations existent, mais dans l’idée, la règle se tient plutôt bien.

“Cette mesure est donc parfois très théorique.”

Sur une planche à rocker ou cambre inversé, l’histoire est bien différente. Une fois le cambre sous tension, les extrémités du sidecut sont relevées et ne touchent pas la neige, ce qui ampute d’autant la longueur de carre effective réelle. La différence peut être massive sur certains modèles. La Mind Expander testée l’an dernier, avec son Christenson surf rocker qui commence sous le pied avant, en est l’exemple parfait, avec sur mon modèle une longueur de carre effective donnée à 116.2 cm qui en pratique se retrouve sous les 90cm en entrée de virage avant d’augmenter progressivement au fur et à mesure que l’angle s’accroit.

Cette mesure est donc parfois très théorique et la longueur de carre que vous allez réellement poser sur la piste peut considérablement différer. Maintenant que j’ai fait le tour de ce point très technique en profondeur, il est temps de revenir au sujet principal. Si cette cote souffre d’aléas qui vous sont maintenant connus, elle reste néanmoins très appréciable.

 

Variabilité pour une taille donnée


On arrive dans la partie de cet article où je vais vous expliquer qu’en choisissant une taille de planche via sa longueur, vous avez tout faux, ou presque.

Sur piste (on s’attaquera à la profonde un peu plus loin), la longueur de carre effective est la meilleure mesure de la taille ressentie d’une planche. C’est facile à comprendre : comme je l’énonçais précédemment, cette cote est prise entre les deux points de contact du sidecut, c’est à dire les deux extrémités de la planche en contact avec la piste. Le reste (une spatule relevée de chaque côté pour les modèles les plus courants) est dans les air, et n’a donc aucune influence sur votre ressenti, mis à part quand on se lance en freestyle sur des flat tricks.

Le shape d’un snowboard classique étant assez bien défini, le rapport longueur de carre effective sur longueur totale est très proche pour beaucoup de modèles, ce qui explique cette propension à s’intéresser à la longueur totale, plus parlante, moins technique, qui est devenu un standard. Mais dès que l’on sort du traditionnel shape plus ou moins Twin et qu’on s’intéresse aux modèles résolument tournés vers le freeride et l’attaque de la poudre, tout change, et de manière assez drastique.

Pour l’illustrer, voici les cotes de trois modèles Jones, tous avec un profil à camber sous les pieds relevé d’un rocker au niveau des spatules et un rayon de courbe de 9 à 10m selon les tailles.

La Flagship, modèle phare, est une planche freeride traditionnelle, avec un shape tout ce qu’il y a de plus classique en apparence : deux spatules assez similaires mais un shape tout de même directionnel pour ce modèle freeride assumé, proposé de 154 à 172cm.

 

Jones Flagship

 

La Lone Wolf est un swallow, et qui dit swallow dit gros matos. Elle est proposée de 162 à 174cm.

 

Jones Lone Wolf

 

Enfin, la Hovercraft correspond assez bien en shape à un fish, même si l’histoire est un peu plus complexe quand on s’y intéresse de près, ce que je suis d’ailleurs en train de faire à travers un test qui sera publié bientôt. Elle se ride plutôt court, et est proposée en 148 à 164cm.

 

Jones Hovercraft

 

Si vous avez suivi, vous me direz que la Flagship devrait assez bien correspondre à votre taille habituelle, que la Lone Wolf est une grosse planche que vous n’avez pas trop envie d’embarquer avec vous si ce n’est pour faire de la ligne droite, et la Hovercraft un petit modèle maniable qui vous fait du pied (enfin, si vous avez lu mon article sur le sidecut vous vous demandez quand même certainement pourquoi on trouve un si grand rayon de courbure sur ce petit fish).

Ce faisant, vous avez tout faux, ou presque (thème qui apparait comme récurrent dans cet article). Pas de surprise pour la Flagship qui se situe dans la moyenne avec 123cm de longueur de carre effective pour une 162. Gros plantage en revanche pour la Lone Wolf, qui affiche un tout petit 105.4cm de carre effective dans cette taille. Idem pour la Hovercraft, qui fait rentrer environ 127cm de carre pour une taille équivalente (moyenne entre une 160 et 164). La Lone Wolf dans sa plus grande taille, 172, a une carre effective 10cm plus courte que la plus petite des Hovercraft, 148.

La raison de ce tour de magie noire ? On voit ça tout de suite.

 

Piste vs poudreuse : longueur de carre effective vs longueur totale


Mon choix d’utiliser ces trois modèles pour expliquer mon propos ne doit rien au hasard, ils sont l’illustration parfaite des divers éléments qui viennent impacter la longueur d’une planche de snowboard pour façonner son comportement sur les différentes surfaces qu’elle peut rencontrer ainsi que les différentes utilisations qui peuvent en être faites.

La Flagship est assez classique, son shape est avant tout celui qui amène le plus de polyvalence. Même si elle n’est pas complètement Twin et résolument directionnelle, on peut néanmoins facilement la rider switch. Cette composante directionnelle l’aide dans la poudreuse, mais ce n’est pas un modèle qui fait de la flottaison dans la profonde une priorité absolue. On a donc deux spatules de longueur assez classique qui font de la Flagship un modèle dont la longueur de carre effective se situe dans la moyenne.

 

Jones Flagship- Carre effective

 

La Lone Wolf est le parfait exemple du loup qui se cache dans la bergerie. Voilà, ça, c’est fait, suivant next. Bref, c’est une bonne illustration du fait que la longueur d’une latte n’est pas toujours un bon indicateur de l’encombrement d’une planche. Les swallows classiques ont tous un point commun : ils sont longs, et cette longueur se retrouve dans leur nez. Un nez pointu qui en fait une arme de destruction massive dans la poudreuse en faisant très facilement déjeauger la planche tandis que le tail en queue d’hirondelle aide à asseoir l’arrière.

Ce gros nez donne donc une longueur importante à la board, mais sur piste il ne sert à rien. Le point de contact avant est très en retrait, ce qui place le sidecut, et donc la carre effective, très en arrière longitudinalement. Dernier détail peu visible sur les images : le point de contact au niveau du tail est très en avant de la fin de ce dernier, environ à mi-chemin entre le début de la découpe et le bout du tail.

On se retrouve donc avec cette toute petite longueur de carre effective, qui donne sur piste un encombrement très réduit pour ce swallow qui révèle sa vraie nature en poudreuse.

 

Jones Lone Wolf - Carre effective

 

Enfin, la Hovercraft. L’aéroglisseur est l’exact opposé de la queue d’hirondelle avec une très longue carre dans un tout petit package. Sur ce modèle, le nose est plutôt court pour une planche à peuf. Surtout, c’est au niveau du tail rikiki que la magie opère : le point de contact arrière est vraiment loin. On se retrouve donc avec l’impression de rider une latte bien plus longue sur piste.

 

Jones Hovercraft - Carre effective

 

La longueur de carre effective peut ainsi fortement varier entre deux modèles de même longueur, principalement à cause de cette dichotomie entre piste et peuf. Les longs nez visant à améliorer la portance en poudre n’ont pas d’impact sur le ride sur piste, mis à part engendrer des vibrations parasites. Les tails tronqués qui aident l’arrière à s’asseoir dans la profonde suivent la même règle. Seule la carre effective est sollicité, ce qui amène certains modèles résolument tournés vers la piste et le carving à adopter des spatules très courtes, comme par exemple sur la F2 Eliminator, référence populaire en la matière.

 

Bien choisir sa planche de snowboard


La longueur de carre effective est-elle un paramètre supplémentaire à prendre en compte lors de l’achat de matos ? J’avais déjà posé cette question à la fin de mon article dédié au sidecut, et ma réponse ici sera de la même veine. La longueur de carre effective, comme le rayon de courbure, sont des données intéressantes pour analyser différents modèles, comprendre leur comportement, et appuyer un choix à venir.

Cela étant dit, ils forment un tout. Toutes choses étant égales par ailleurs, une planche dont la longueur de carre effective est 3cm plus longue qu’une autre mais dont le rayon de courbe est 3m plus court sera massivement plus facile à faire pivoter. Mais qu’en est-il si elle est full camber alors que l’autre est full rocker ?

Une planche de snowboard résultant d’un savant mélange de technologies et cotes diverses, inutile de trop vous focaliser sur l’une d’elles. Le but de cet article était avant tout de vous faire prendre conscience de l’existance, l’importance, et la variabilité de cette cote selon les modèles de snowboards, et le rôle qu’elle joue dans leur comportement. Comprendre les enjeux de la longueur de carre effective répond à bien des questions qui viennent en tête en essayant différents modèles ou en consultant les recommandations de taille de certaines boards.

Si le choix d’une latte se fait avant tout via le poids du bonhomme, beaucoup ont le regard fixé sur sa longueur, qui n’est au final que la partie émergée de l’iceberg et peut mener à bien des mauvaises décisions.

 

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Sébastien

Papa de Glisse Alpine et homme à tout faire depuis 2016. Rideur. Editeur. Photographe. Développeur. SysAdmin. Web Perf. SEO. Marketing. Café.

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2 commentaires sur “Snowboard – La longueur de carre effective expliquée en détails

  • 5 avril 2024 à 23 h 04 min
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    Salut Sébastien,

    Merci pour tes super articles !

    Je cherche une planche pour le carving et j’hésite entre deux modèles d’allure très similaire : F2 Eliminator 153 et EXP Track 153.
    La F2 a un effective edge de 1310, largeur patin 23.8, sidecut 8.6.
    La EXP a un effective edge de 1110, patin 24, sidecut 12.
    Le vendeur de la F2 me conseille la taille 147 ou 153 selon mon niveau.
    Le vendeur de la EXP me conseille la taille 153 ou idéalement 158 (ça me paraît grand ! et large : 24.8)

    Je suis une femme d’1m65, 54kg, pointure 38, niveau avancé.

    Je veux que la planche soit stable pour de grands virages tout en restant maniable.
    Dois-je privilégier un effective edge plus grand (F2) ou un rayon plus grand (EXP) ?

    Laetitia

    Répondre
    • 13 avril 2024 à 10 h 42 min
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      Salut Laetitia,

      Stabilité pour les grands virages et maniabilité sont à l’opposé l’un de l’autre 🙂 .

      Comme expliqué en conclusion de l’article, longueur de carre et rayon de courbure sont deux paramètres qui font partie d’un tout, et il est très réducteur de baser le comportement d’une planche ou la différence entre deux modèles uniquement sur eux.

      Pour quand même répondre à ta question d’un point de vue purement théorique, perso pour une approche carving je me baserais sur le sidecut radius avant l’effective edge, puisqu’il va être déterminant dans le type de courbes que tu décris. Un grand rayon pousse à décrire des courbes plus larges et se révèle plus stable dans celles-ci, un plus petit rayon pousse à plus fermer les courbes, forcément avec moins de vitesse. C’est à mon sens plus discriminant que la longueur de carre : avec un grand rayon sur des pentes faibles tu t’ennuies et il peut être difficile de vraiment carver, avec un petit rayon sur des pentes fortes la planche décroche trop facilement car elle tend à décrire des courbes trop serrées.

      Après en termes de virages dérapés, la longueur de carre la plus courte permet clairement plus de facilité (plus qu’un petit rayon à mon sens tant que la différence est significative), mais la longueur de carre plus longue va dans le sens de plus d’accroche. Tu gagnes en accroche dans les virages carvés également avec une carre plus longue, mais encore une fois, bien des facteurs jouent sur ce point et la longueur de carre n’est que l’un d’entre eux.

      Bref, en mettant tout ça ensemble, tu te retrouves sur le plan théorique à nouveau avec une EXP Track qui tendrait à être plus facile dans les grandes courbes, et une Eliminator qui tendrait vers des courbes plus serrées mais avec une bonne accroche qui demandera également plus de physique et technique quand la vitesse augmente.

      Mais encore une fois, rien que la rigidité en torsion par exemple va énormément jouer dans la maniabilité à basse vitesse dans les virages dérapés ou les sensations au carving, le déclenchement de virage peut être plus ou moins rapide et jouer sur la sensation de maniabilité, etc.

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