VTT électrique : pourquoi le moteur DJI Avinox fait-il tant parler de lui ?
Au printemps 2024, un nouveau venu faisait une entrée fracassante sur le marché des moteurs pour VTTAE. Tout d’abord présenté à l’Eurobike à Francfort, il remporta une fois entre les mains de la presse spécialisée un suffrage unanime, les différents mags n’hésitant pas alors à user de superlatifs pour décrire ses qualités.
Tandis que les principaux acteurs du secteur que sont Bosch, Shimano, Yamaha et Brose, mettent en oeuvre depuis maintenant plusieurs années des améliorations très incrémentales sur leurs modèles, ce pavé dans la marre vient de surcroît d’une marque que l’on n’attendait pas sur ce marché : DJI.
L’Avinox constitue t-il ainsi une simple évolution dépassant de peu la concurrence, ou une véritable petite révolution qui laisse les marques traditionnels dans le fossé ?
L’écosystème DJI
Le fabricant chinois, pionnier du drone grand public, secteur sur lequel il a aujourd’hui la mainmise avec 90% des parts de marché, fait ainsi sur ce secteur une entrée inattendue mais finalement pas si détonante qu’elle peut en avoir l’air au premier abord. Si l’on pourrait penser qu’il manque peut-être à la marque l’expérience de moteurs de ce gabarit, c’est oublier qu’elle jouit de près de deux décennies de développement de moteurs électriques pour ses drones, ainsi que des batteries allant de pair, non seulement pour le marché grand public, mais également à destination des professionnels.
Bien loin de modèles légers emblématiques comme le Phantom ou le Mavic, conçus pour embarquer l’équivalent d’une action cam, DJI commercialise pour l’industrie du cinéma ou de l’agriculture des béhémoths comme le Spreading Wings S1000, qui affiche un poids de décollage allant jusqu’à 11 kg, et utilise 8 moteurs développant chacun 500W. Cette année, la société a dévoilé la dernière mouture de son drone de transport, le FlyCart 100, pouvant transporter jusqu’à 80kg, avec un poids de décollage de 150kg…
DJI peut également s’appuyer sur une longue expérience côté software, commercialisant en plus de ses drones FPV divers équipements tels que gimbals ou action cams.
Si ce positionnement montre que le gap à franchir pour s’insérer sur le marché du moteur électrique pour VTTAE n’est pas aussi large qu’on pourrait le penser, opérer une entrée réussie n’est toutefois pas chose facile au vu de la maturité de celui-ci. Se démarquer n’est pas aisé, les moteurs proposés par la concurrence affichant tous des spécifications proches et des fonctionnalités similaires.
Un couple de tracteur
Bien qu’il soit loin de représenter l’ensemble du tableau, l’argument phare et incontournable qu’affiche l’Avinox est celui de la puissance. Développant en mode Boost 120Nm de couple face à une concurrence affichant 85 à 90Nm lors de son lancement (aujourd’hui parfois 100Nm après quelques mises à jour côté software comme chez Bosch), le moteur de DJI vient sans formalités opérer un bond de 30% par rapport à ce que l’on avait accepté comme standard, sur un marché qui semblait pourtant stabilisé. Il délivre en outre une assistance montant à 800%, là où 400% était généralement le maximum constaté.
Mais, monsieur Glisse Alpine, me direz-vous, les VTTAE ne sont-ils pas limités à 250W quoi qu’il arrive ?
« Il est donc peu clair aujourd’hui si la limite de 250W en puissance continue est respectée… »
Comme expliqué dans mon article sur la limite légale de puissance des VTTAE, ces derniers sont en effet limités à 250W de puissance continue, ce qui ne les empêche aucunement d’afficher une puissance crête plus élevée, celle-ci se situant généralement entre 650 et 750W. Toutefois, il est vrai que les spécifications de ce moteur soulèvent depuis son lancement de nombreuses interrogations. Cette année, cette puissance crête fût suite à une mise à jour portée par la marque à 1000W, ce qui aux Etats-Unis fait sortir les vélos en étant équipés de la classe 1 qui correspond aux vélos à assistance électrique limités à 20mph (32km/h), les positionnant directement hors du système tri-classe à cause d’une puissance supérieure à 750W. Ce système est aujourd’hui adopté par 36 états, mais cette limite de 750W est souvent reprise même par ceux qui n’y adhèrent pas, comme la Caroline du Sud, Pennsylvanie, Caroline du Nord ou le Nebraska.
Si en Europe la puissance crête n’est pas limitante, cette mise à jour n’est toutefois pas anodine puisqu’elle débloque le mode Boost auparavant limité à 30 secondes. Il est donc peu clair aujourd’hui si la limite de 250W en puissance continue est respectée, ou pas, par ce moteur, dans toutes les situations.
Sans maîtrise, la puissance n’est rien, et l’Avinox se démarque par ailleurs à travers l’utilisation d’un disque de référence plutôt qu’un unique point ou aimant sur le moyeu arrière, permettant au software contrôlant le moteur de disposer de 42 points de référence par rotation plutôt qu’un seul.
Léger comme une plume
Cette débauche de puissance n’est toutefois pas l’unique argument mis en avant par ce modèle, loin de là. En plus d’être le moteur le plus puissant, il se permet également d’être le plus léger, et pas seulement de quelques grammes.
Affichant 2.52kg sur la balance, l’Avinox est 200 à 450g plus léger que tous ses concurrents directs. Le Bosch CX Gen5 affiche en effet 2.8kg (2.9kg pour le Gen4, mais, me dit-on dans l’oreillette, à nouveau 2.9kg pour le CX 2026), le Brose Drive S Mag 2.98Kg, l’EP801 de Shimano 2.7kg et le Yamaha PW-X3 2.75kg. Là où cette légèreté frappe également, c’est vis à vis des moteurs équipant les VTTAE « légers », développant généralement 50 à 60Nm de couple. Si cette catégorie de montures peine de plus en plus à réellement se démarquer, grâce ou à cause d’une intégration s’améliorant avec le temps, les 700 à 900g séparant généralement les deux catégories se réduit ici aux alentours des 500g, un Bosch SX affichant par exemple 2.05kg.
« DJI jouissait lors de son lancement d’un avantage pondéral pouvant atteindre le kilogramme. »
Cet avantage ne s’arrête pas au moteur, mais s’étend côté batterie, où la majeure partie de l’embonpoint de ces machines se fait sentir. Malgré un effort considérable de Bosch sur sa dernière génération de batteries, faisant évoluer son modèle 750Wh de 4.4kg à une mouture de 800Wh pesant 3.9kg, la proposition de DJI reste supérieure avec une version 800Wh affichant 3.7kg et une option 600Wh de 3kg, là encore 100g plus légère que l’alternative Bosch. Les autres marques ne font pas mieux, la dernière batterie dévoilée par exemple cet été par Yamaha affichant 4.35kg pour une capacité de 843Wh, et sa petite soeur de 560Wh pesant non moins de 3.1kg.
Bref, moteur et batterie combinés, DJI jouissait lors de son lancement d’un avantage pondéral pouvant atteindre le kilogramme. Si celui-ci peut s’avérer un peu plus faible aujourd’hui, il n’en reste pas moins un pas en avant remarquable, comme en atteste le poids relevé sur le premier vélo AM équipé de ce moteur, affichant à peine plus de 20kg sur la balance, le plaçant davantage sur ce plan dans la catégorie des VTTAE « légers », à puissance et capacité réduits, que dans celle des modèles classiques souvent proposés entre 22 et 24kg selon les débattements et configurations.
Un packaging alléchant
L’Avinox ne s’arrête pas à ces considérations purement numéraires, puisqu’il ajoute à puissance et légèreté un packaging très intéressant. En effet, la place occupée par le moteur sur, ou plutôt sous le cadre, complique le design de ce dernier. Bien que les choses se soient nettement améliorées au fil des années, certains points posent encore problème sur les modèles actuels. Le plus apparent est certainement le côté esthétique : une intégration offrant de belles lignes tendues s’avère plus agréables à l’œil que la verrue affligeant des modèles plus anciens (ou le dernier prototype SRAM). J’en parlais dans mon article sur le choix d’un VTT électrique, en mettant notamment en lumière le moteur TQ hyper compact qui permet une intégration quasi-transparente.
Techniquement, un moteur encombrant a plusieurs inconvénients. Le plus évident à nouveau, c’est celui du franchissement. Limité sur un VTT classique par le nombre de dents du plateau, il est sur un VTTAE encore souvent amputé par le moteur. Moins évident, mais sans doute plus contraignant, notamment à cause de la démocratisation des roues en 29″, la place prise par le moteur derrière l’axe du pédalier peut empêcher l’emploi de bases suffisamment courtes. Cela peut poser problème, ou pas, selon les vocations du vélo, la cinématique et les tailles, mais il peut devenir compliqué de proposer un petit cadre joueur avec des bases courtes lorsqu’il faut en plus d’une roue en 29″ accommoder un moteur qui s’octroie un bout de terrain derrière l’axe de pédalier. Enfin, une tendance plutôt récente est de tenter de positionner la batterie aussi basse que possible dans le tube diagonal pour tirer le centre de gravité du vélo vers le bas, ce qu’un moteur peu encombrant permet plus facilement d’accommoder, au prix d’une esthétique parfois douteuse.
DJI offre avec l’Avinox un modèle très compact, adressant toutes ces contraintes, et permettant une intégration très agréable à l’œil, également rendue possible par les dimensions de la batterie qui permettent de réduire le diamètre du downtube, au prix d’une longueur plus importante limitant la possibilité de décliner des cadres de petite taille. Si c’est moins vrai pour certains modèles comme chez Forbidden ou d’autres, notamment parce qu’ils suivent la tendance décrite précédemment menant à placer la batterie aussi bas que possible, l’Amflow PL Carbon, premier vélo à proposer ce moteur lors de son lancement, est sans aucun doute une réussite en termes de lignes si l’on considère que le Graal est de les épurer pour faire oublier qu’un VTTAE est un VTTAE, et le faire se confondre avec un VTT classique. Il fait ainsi aussi bien, voir souvent mieux, que des modèles « légers » qui profitaient jusqu’à la d’un format plus réduit que les moteurs « full power ».
Un package software réussi
Impossible d’y échapper, il faut une application pour tout, du congélateur connecté au nuage pour identifier la dorade aux yeux de merlan frit jetée dans le bac à la machine à café programmée par montre interposée, et le VTT électrique n’y échappe pas : toutes les marques s’y sont mises et proposent une panoplie de gadgets inutiles à ceux dont la seule tare est de vouloir un bicycle partiellement propulsé à l’atome. Je garde l’appellation BPPA sous le coude, ça changera de VTTAE.
« DJI propose la panoplie complète du piétinement de la vie privée et de la fuite de données qui guette au coin de la rue. »
DJI propose la panoplie complète du piétinement de la vie privée et de la fuite de données qui guette au coin de la rue, loggant via GPS, baromètre et consors les activités de son utilisateur pour proposer post-ride toutes les informations disponibles habituellement via une app comme Strava, la possibilité de ne pas installer l’app en moins. Bref, comme toutes les marques concurrentes. Nul besoin de s’étendre plus que raison, on peut juste mentionner que l’intégration d’un écran tactile sur le top tube, associé à deux commandes sans fil, est plutôt réussie et semble constituer le standard proposé par cette solution, en opposition à d’autres systèmes qui proposent un écran déporté par exemple.
La marque fait ainsi aussi bien, voir mieux (ou pire, selon son point de vue sur la prolifération de fonctions inutiles) que ses concurrents implantés sur le marché depuis dix ans.
Surtout, la marque se démarque (!) en proposant, en plus de 5+1 modes d’assistance, le réglage de nombreux paramètres dictant le comportement du moteur, ce qui n’est pas toujours le cas chez d’autres. Cela concerne notamment le pickup, ou comme je l’évoquais dans un précédent article, l’overrun. On ne peut que louer cette initiative qui permet à chacun, s’il le souhaite, de paramétrer de manière plus poussée le comportement du moteur.
Bref, forte de son expérience, la DJI évite les écueils de certains nouveaux venus sur le segment et propose des interfaces de contrôle de tout premier plan.
Des tests sur le terrain convaincants
Nombreuses sont les marques qui tentent de se lancer sur le marché des moteurs pour VTT électrique. Souvent, elles passent totalement sous les radars, faute de trouver des partenaires distribués à grande échelle prêts à utiliser ces nouveaux moteurs sur leurs cadres sans la moindre garantie de performance ou de fiabilité quand une offre déjà bien établie existe. Relégués à des marques boutiques ou d’autres proposant des vélos douteux n’étant guère plus que des cadres catalogue rebadgés, nombre de ces nouveaux moteurs doivent nager à contre-courant, partant sur un terrain perdant faute d’audience ou d’un vélo aux performances acceptables sur lequel briller et se démarquer.
« le succès de l’Amflow PL déjà largement distribué au sein du réseau de revendeurs semble bien réel. »
Pour contourner ce problème, DJI décida de créer sa propre marque de vélos de montagne, Amflow. Lors du lancement de l’Avinox en 2024, l’Amflow PL Carbon, et sa déclinaison Pro, étaient ainsi les seuls modèles sur le marché à en être équipés, servant de plateforme pour démontrer les performances de la solution du fabricant chinois. Il s’agit d’un power move comme peu de marques en ont les moyens, qui s’insère dans la stratégie du fabricant qui cherche ces dernières années à conquérir de nouveaux marchés. Contrat apparemment rempli, l’Amflow PL cochant, pour une première, toutes les cases : géométrie moderne, lignes épurées, cinématique qui fonctionne, la marque se permettant même de proposer un flip-chip sur cette plateforme 29″ pour une monte mulet.
L’Avinox semble remporter depuis son lancement tous les suffrages, montrant non seulement une supériorité écrasante en termes de puissance, mais également une maîtrise impeccable de celle-ci, permettant de tackler des montées techniques plus exigeantes que jamais. La légèreté de l’ensemble moteur et batterie, bénéfique tant en montée qu’en descente, rapprochant même le ressenti de celui d’un VTTAE « léger », en mode survitaminé.
Bref, nombreuses sont les publications affirmant alors que l’Avinox marquait une réelle rupture et annonçait une nouvelle ère dans le monde du VTTAE. Depuis, le constat n’a pas changé, et le succès de l’Amflow PL déjà largement distribué au sein du réseau de revendeurs semble bien réel.
Vraie révolution ou incrément marginal ?
S’il est difficile de vraiment parler de révolution, l’Avinox de DJI constitue néanmoins un pas en avant majeur sur un marché plutôt stable où les évolutions étaient devenues très incrémentales. La solution du fabricant chinois frappe fort en innovant de manière globale sur le triptyque poids/puissance/encombrement, proposant un produit qui, à en croire la trajectoire suivie par la concurrence ces dernières années, n’aurait sinon pas eu d’égal avant longtemps. La réponse des autres fabricants ne s’est d’ailleurs pas fait attendre, puisqu’un an après le lancement de l’Avinox, Bosch par exemple propose un système dont le poids a été revu à la baisse, et la puissance à la hausse. Ce n’est toutefois pas le cas de tous, comme nous l’avons vu, et surtout, malgré ces évolutions, le couple moteur et batterie de DJI conserve une marge d’avance confortable.
« La puissance que ce moteur déploie bouleverse quelques peu les règles du jeu dans un contexte législatif incertain. »
Une question reste cependant en suspens. Si le poids de l’Avinox le place définitivement au-dessus de la concurrence, la puissance que ce moteur déploie bouleverse quelques peu les règles du jeu dans un contexte législatif incertain. La tendance des autres fabricants à se limiter à 90Nm n’est pas anodine. Un moteur développant 90Nm de couple à 80 rotations par minute, soit une fréquence de pédalage déjà soutenue en VTT, développe environ 750W, limite légale outre-atlantique expliquée précédemment. Cette limite de 750W est également reprise par une proposition de la ZIV allemande (association qui représente l’industrie du cycle outre-Rhin) pour amender la législation européenne, qui, on le rappelle, est aujourd’hui basée uniquement sur le très vague concept de puissance continue.
Quoi qu’il en soit, l’Avinox n’a pas uniquement séduit la critique ou les riders qui ont jusqu’à maintenant pu mettre la main sur un nombre restreint d’Amflow utilisant le moteur DJI. Une douzaine de marques ont annoncé des modèles à venir retenant cette solution, et si la plupart sont, comme souvent pour ces nouveaux moteurs, peu connues, on peut toutefois noter la présence de l’emblématique Commencal, avec son Meta Power SX DJI.
Le mot de la fin
Après avoir fait le tour de la question, l’entrée sur le marché de DJI ne peut être que bénéfique, forçant la concurrence à réagir. On peut certes légitimement se demander si autant de puissance est nécessaire, ou légal, mais le gain en poids et le packaging attractif de cette solution sont des avantages indéniables, centraux à l’idée que nous sommes nombreux à nous faire du futur de la discipline. Il est encore trop tôt pour évaluer sa fiabilité, mais les retours de revendeurs sont pour le moment très positifs. Certains argueront toutefois que celle des moteurs commercialisés par les marques phare ne rendent pas la tâche difficile pour le nouvel arrivant chinois…
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